
À quel moment faut-il ignorer les propos des personnes ignorantes?
- E. Gonçalves
- 15 déc. 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 déc. 2024

« Prendre au sérieux quelque chose d’aussi peu sérieux, c’est perdre soi-même tout son sérieux. Moi, je dois mentir pour ne pas prendre au sérieux des fous et ne pas devenir moi-même fou. »
Milan Kundera
Cette citation de Milan Kundera m’a fait réfléchir. Elle soulève une question importante : à quel moment faut-il ignorer les propos des personnes ignorantes/foles ?
Il m’arrive souvent d’avoir des conversations sur des sujets délicats, que ce soit avec des proches ou des personnes que je viens de rencontrer. J’aime échanger des idées, débattre, apprendre de perspectives différentes. Pourtant, il arrive que l’opinion de mon interlocuteur entre en contradiction avec mes propres valeurs, parfois de manière haineuse. Lorsque le discours devient une attaque, une désinformation ou un vecteur de haine, je ressens une obligation morale de réagir. Je suis convaincue que l’ignorance peut être une arme dangereuse, surtout entre les mains de ceux qui ont une position d’autorité ou d’influence.
Mais où placer la limite ? Quand faut-il répondre, et quand faut-il se retirer pour ne pas s’épuiser inutilement ? Face à des paroles empreintes de noirceur et d’aveuglement, le dilemme est réel. D’un côté, il semble irresponsable de rester silencieux, car cela pourrait être interprété comme une forme de consentement ou de complicité. De l’autre, il faut reconnaître que débattre avec une personne dont l’esprit est fermé est souvent vain. Pire encore, cela peut nous entraîner dans un cercle vicieux où la colère et la frustration finissent par nous faire perdre pied.
Si je décide de m’engager dans ces échanges, suis-je en train de me battre pour une cause juste, ou simplement de nourrir ma propre colère ? Et si, en persistant, je venais moi-même à perdre mon calme, mon discernement, voire ma santé mentale ? Kundera semble suggérer que le véritable danger n’est pas seulement dans l’ignorance des autres, mais aussi dans notre propension à trop prendre leurs paroles au sérieux, au risque de nous y perdre.
Une autre option m’effleure parfois l’esprit : devrais-je mentir, feindre l’accord pour infiltrer et mieux comprendre ces esprits, comme un agent double ? Cela pourrait permettre de trouver une faille, une opportunité de semer un doute salvateur. Mais cette approche a ses propres dangers. Si je joue ce jeu trop longtemps, pourrais-je moi-même être influencée, perdre mon ancrage dans mes valeurs ? À force de marcher dans l’ombre, risque-je de m’y noyer ?
Cette réflexion me ramène à une certitude : la haine et l’ignorance ne peuvent être combattues que par la lucidité, mais aussi par une grande humilité. Mon intuition me guide souvent pour savoir quand débattre ou quand me retirer. Cependant, cette intuition n’est pas infaillible. Si un jour elle me trompait, serais-je responsable des conséquences ? Devrais-je porter le poids de ma passivité ou de mes maladresses ?
En fin de compte, il faut savoir reconnaître les moments où le dialogue est encore possible et ceux où il ne l’est plus. Rester fidèle à ses valeurs tout en protégeant sa paix intérieure est un exercice d’équilibre fragile. Peut-être que la véritable sagesse consiste à accepter que nous ne pouvons pas sauver tout le monde ni répondre à toute injustice. Mais dans les moments où nous décidons d’agir, il nous faut le faire avec clarté, courage et, surtout, humanité.
E.
Comentários